Le salaire de la peur
Généralement, la peur de ne plus gagner assez d’argent constitue la principale raison qui nous dissuade de quitter un emploi qui ne nous plaît plus. Voici quelques réflexions susceptibles d’atténuer cette crainte.
Lorsqu’on demande à quelqu’un ce qui le retient de quitter un emploi qu’il n’aime plus, la première raison qu’il évoque, c’est bien souvent l’argent. En effet, on a beau dire qu’il ne fait pas le bonheur, le fait d’en manquer n’aide pas non plus à se sentir heureux et serein dans une société comme la nôtre. Et, jusqu’à preuve du contraire, à part les quelques individus chanceux qui ont su faire mentir les statistiques quant à la plus forte probabilité d’être frappé par une météorite que par un gain au loto, la seule façon connue (et légale !) de gagner de l’argent reste majoritairement le travail.
Comment alors s’affranchir de cette peur de manquer d’argent en cas de changement d’activité ? Que faire lorsqu’on a, d’un côté, un emploi détesté qui constitue néanmoins une source de revenus indispensable et, de l’autre côté, la nécessité d’en changer rapidement avant de s’en rendre malade ? À plus forte raison lorsque des obligations familiales, des crédits et autres engagements viennent se glisser au milieu de l’équation.
Accepter de sortir de sa zone de confort
Je ne vais pas vous mentir, il n’y a pas de réponse toute faite et cela dépend d’un grand nombre de facteurs. Mais cela ne signifie pas non plus qu’il n’y a pas de réponse du tout. Disons juste qu’il n’en existe pas d’idéale ou d’imparable. Il va falloir fatalement accepter une part d’incertitude, d’inconnu, de risque même peut-être, pour passer d’une situation figée mais intenable à une situation potentiellement libératrice mais plus hasardeuse.
Chaque fois qu’on décide de changer, on accepte l’idée de sortir de sa zone de confort. Ici, ce n’est guère différent, mais c’est justement parce que le changement est généralement « inconfortable » qu’on fait son maximum pour trouver des solutions en temps réel afin d’optimiser la transition. Les certitudes nous rendent paresseux, résignés, tandis que le risque (si possible mesuré et calculé, restons raisonnables) nous force à déployer des trésors d’inventivité, à faire preuve d’audace, à retrouver un certain sens à la vie pour mieux nous dépasser.
Une réalité sans garanties
Oui, si vous décidez de changer de job, vous pouvez faire une croix sur le salaire qui va avec, c’est une évidence. Mais remettez justement cette évidence dans son contexte.
D’abord, gagnez-vous vraiment bien votre vie ? Êtes-vous obligé de restreindre vos envies, vos projets, vos espoirs par manque de moyens financiers ? Si oui, alors peut-être que cette situation que vous avez peur de lâcher n’est pas aussi enviable que vous le pensez.
Ensuite, vous qui hésitez à quitter votre emploi par peur d’un avenir incertain, avez-vous en retour la garantie que ce même avenir est assuré à votre poste actuel ? Soyons clairs, à moins de bénéficier d’un statut plus ou moins protégé (ce qui est de plus en plus rare, même dans la fonction publique), votre emploi d’aujourd’hui peut parfaitement lui aussi être menacé à un moment ou à un autre. Le marché qui évolue, la législation qui change, l’essor des technologies qui supprime de plus en plus l’intervention humaine, y compris dans les secteurs les plus prestigieux (banque, médecine, ingénierie…), et votre emploi peut brusquement devenir obsolète, inutile ou juste impossible. Qui connaît un allumeur de réverbères de nos jours, un télégraphiste, une dactylo, un poinçonneur de tickets de métro, un rémouleur…?
Soyez lucide sur votre situation
Enfin, demandez-vous pourquoi vous travaillez. Ce n’est pas seulement pour gagner de l’argent, c’est pour vivre. Mais quelle vie, en réalité ? Une vie où vous n’êtes pas heureux, une vie dont vous ne profitez pas vraiment, une vie dont la majeure partie est consacrée à occuper un emploi que vous n’aimez pas et qui vous laisse finalement bien peu de temps pour bénéficier des fruits de votre travail.
Remarquez, d’une certaine manière, ce n’est pas plus mal, car de quels fruits parle-t-on au juste ? Une fois que vous avez payé les traites de la maison, la scolarité des enfants, les courses, l’essence, le crédit de la voiture, les impôts, l’électricité, le téléphone, il vous reste peut-être de quoi aller au cinéma, et encore. Mais en avez-vous le cœur, préoccupé comme vous êtes par cet emploi qui vous pèse au quotidien au point d’occuper votre esprit jour et nuit ?
Ne vous trompez pas d’insécurité
Vous l’avez compris, je parle de quelque chose que je connais. Ou du moins que j’ai connu. Et la peur de ne plus gagner d’argent vient s’ajouter à notre malaise général, comme pour à la fois nous punir et nous dissuader d’envisager une autre vie. Mais gardez à l’esprit deux choses essentielles :
- si vous vous sentez concerné par ce que vous venez de lire (et par ce blog en général), ne craignez pas de gâcher votre vie en décidant de changer de travail : vous la gâchez déjà en faisant des choses qui vous rendent malheureux au point de vous empêcher de vivre, tout simplement.
- si un jour la voiture que vous conduisez tombe à l’eau et commence à couler, ne pensez pas que vous allez être protégé en bouclant votre ceinture de sécurité et en serrant très fort votre médaille de Saint-Christophe ; sortez de là en vitesse et commencez à nager ! Même s’il fait nuit, même s’il pleut, même s’il fait froid, et même si vous ne savez pas nager ! Votre vie en dépend.
3 commentaires
Zorro
Bon cela n’est pas trop mal.
Tom Frankson
Ah, quand même ! 😉
Ping :